jeudi 29 décembre 2011

Fils, voici ton héritage... - 3

5:20. La couleur, enfin. Qu'est-ce que c'est beau le centre d'affaires. Toutes ces couleurs, c'est juste rafraîchissant. Là aussi, j'ai de la chance. J'aurais pu habiter et travailler en banlieue, j'aurais vu du gris toute la journée. Il faut dire que mes parents ont été intransigeants là-dessus, les études. Cinq ans en alternance, ça m'a permis d'accéder directement au poste de responsable d'équipe caisse. Une vraie prouesse, quand on sait que les perspectives d'évolution sont nulles. Le vrai défi aujourd'hui, c'est juste de trouver un emploi, rémunéré, pour ne pas se retrouver à faire des travaux d'intérêt général toute la journée. Moi, pour subsister, j'en ai même trouvé deux, et en plus, dans la même entreprise, comme ça je passe pas l'heure de transition dans les transports.

5:30. La journée commence vraiment. Vérifier que les hôtes et hôtesses de caisse sont tous là, parer aux absences, vérifier que les automates fonctionnent tous, faire le nécessaire en conséquence. Chaque personne a vingt machines sous sa responsabilité, moi j'ai dix personnes à surveiller, un système de deux cents caisses. Je fais les services du matin et de l'après-midi donc. Vingt-mille personnes vont encore défiler aujourd'hui. Peut-être même plus, vu qu'il en reste encore quelques-unes qui vont fêter Noël. Surtout les plus âgées, surtout les plus privilégiées. Avec mes points de qualité positifs acquis l'année dernière, j'ai réussi à intégrer des caisses V.I.P. dans mon parc. J'ai mis des années pour en arriver là, mais maintenant c'est fait. J'y ai posté mon meilleur élément. On a pas le droit à l'erreur. Seuls les habitants du centre d'affaires peuvent y accéder, les "colorés" comme on les appelle entre nous. Les riches quoi. Encore une journée répétitive et banale, comme toutes les autres. Il faut dire que les hommes comme les machines sont bien rodés, la mécanique est huilée. Une place pas trop mauvaise pour assurer un avenir correct à ma fille, voilà mon objectif. Même si secrètement, ce n'est pas vraiment ce que je lui souhaite.

5:40. On a évité le drame de justesse. Une des caisses V.I.P. s'est mise à dérailler. A quelques jours de Noël, on ne peut pas se permettre de rencontrer le moindre échec. Immense coup de pression. Heureusement, tout est rentré dans l'ordre en peu de temps. J'espère seulement que ces quelques minutes ne seront pas celles de trop... Cette pression constante, cette angoisse de l'échec, j'ai été formée pour ça. Et pourtant, c'est vraiment difficile à supporter parfois ; souvent, en fait. Je ne le souhaite à personne... Je ne le souhaite pas à ma fille... Que va-t-elle devenir ? Quelqu'un comme moi ? Un pion parmi tant d'autres ? Peut-être que finalement elle devrait rejoindre son père, lui qui est parti dans l'ombre, première étape avant la zone libre. C'est beaucoup d'ennuis, de peines, de privations, mais après tout, ces mots s'appliquent aussi à mon monde. 

5:50. Des fois, j'ai l'impression d'être trop dure. Un point de qualité négatif pour sa faute sur la caisse V.I.P. Il s'en remettra, comme d'habitude. Et puis, je ne peux pas lui attribuer que des points de qualité positifs, sinon à force, il prendra ma place, et moi la sienne. Jamais. C'est une question de survie. Et pour survivre ici, on lutte jusqu'à la mort. Toute la journée, les mêmes gestes. Toute la journée, les mêmes regards. Finalement, ça laisse un peu de temps pour réfléchir, pour rêver. C'est peut-être ça aussi le luxe du responsable. Là aussi, j'ai de la chance, quand même. Réfléchir, sur la vie, sur la mort, sur la condition humaine, sur ma condition. Ma condition. C'est peut-être ça mon problème. C'est peut-être ça que ma fille me renvoie à la figure, tous les jours qui passent depuis un an. Ma condition. Encore la tête qui tourne. Vite, s'assoir... Ça va faire deux mois maintenant que je digère pas ces cachets. Ça va faire deux mois maintenant que j'ai revu son père pour cette histoire de papier d'écriture. Peut-être que je suis restée trop longtemps avec lui cette fois-ci.

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1998 : Les négociations sur le protocole de Kyoto se poursuivent lors de ce COP 4 à Buenos Aires, en Argentine. Première condition de mise en œuvre : qu’au moins 55 pays ratifient le traité (condition enfin atteinte le 23 mai 2002 avec la ratification par l'Islande).

mardi 27 décembre 2011

Angola : le retour de l'Unita en 2012 ?

Est-il possible de réussir sa reconversion de mouvement armé d'opposition pendant presque 30 ans, à parti politique challenger des prochaines élections et apte à proposer un nouveau président ? C'est le grand défi qui attend l'UNITA en cette nouvelle année 2012.

En effet, l'UNITA, ou Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (acronyme de União Nacional para a Independência Total de Angola), fondée en 1966 par son leader charismatique Jonas Savimbi qui dirigea le mouvement jusqu'à sa mort en 2002, a d'abord été une force - parmi d'autres - de libération qui a combattu le colonisateur portugais jusqu'à l'indépendance du pays en 1975. L'Angola naît alors sous le nom de République Populaire d'Angola, et se range auprès du bloc soviétique. Jonas Savimbi et son mouvement prennent le maquis et, soutenus d'abord militairement puis au niveau logistique par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Afrique du Sud, prennent part à une guerilla sans merci qui mènera le pays au bord de la guerre civile. Dans les années 1980, l'UNITA, de moins en moins épaulée par ses alliés suite à l'arrivée du président Dos Santos qui se rapproche de l'Occident, se tourne vers le trafic de diamants pour se financer.

Dans les années 1990, après le désengagement des puissances étrangères et en concordance avec la chute de l'URSS, des tentatives de négociation sont engagées entre le gouvernement en place (MPLA, mouvement populaire de libération de l'Angola) et l'UNITA. Un cessez-le-feu est signé en 1991 et des élections ont lieu pour la première fois. Le MPLA remporte les élections, et Jonas Savimbi reprend le maquis. Jusqu'en 2002, l'Angola verra se succéder un autre cessez-le-feu, un gouvernement d'union nationale et des attaques répétées contre les forces gouvernementales. Après un ultime assaut de l'armée contre l'UNITA en 2002, Jonas Savimbi est abattu. Un accord de paix est trouvé la même année, mettant fin à un conflit de 27 ans qui aura causé plus de 500.000 morts et fait plus de 4 millions de déplacés. Aujourd'hui, l'UNITA est une force politique à part entière, dirigée par Isaías Samakuva. En 2012, des élections générales auront lieu en Angola, où les représentants élus désigneront le nouveau président de la République d'Angola. Mais quelle place pour l'UNITA après tous ces déchirements ?

Malgré son passé chargé, le mouvement a tout à gagner de sa position de challenger aux élections générales. En effet, en 2005 l'âge médian de la population était de 18 ans, ce qui signifie que plus de la moitié des habitants aujourd'hui en âge de voter n'ont pas connu les violences causées par Jonas Savimbi, et ne voient l'UNITA que comme un parti politique d'opposition. Cette même tranche de la population, contrairement à ses parents, a majoritairement reçu une éducation (taux d'alphabétisation proche de 70%) et est tout-à-fait consciente des difficultés du pays à faire fleurir une économie totalement dépendante de l'exploitation pétrolière. Cette population, dont l'espérance de vie tourne autour de 50 ans, n'a connu que la présidence de José Eduardo dos Santos (en place depuis 1979), et pourrait vouloir fortement aspirer au changement après les événements de 2011 sur le continent africain. Enfin, Isaias Sakamuva sera le seul grand ponte des deux listes qui s'affronteront, et l'UNITA compte sur sa popularité et ce concours de circonstances pour effacer la défaite de 2008 où le parti avait dû se contenter de 16 sièges sur 223 à l'Assemblée. Le mouvement compte bien se frayer un large chemin vers les hautes sphères du pouvoir, chemin dont il aura finalement été écarté depuis toujours.

Alors 2012 sera-t-elle l'année du renouveau de l'UNITA en République d'Angola ?

dimanche 25 décembre 2011

Shebab en Somalie, doit-on censurer Twitter ?

La Somalie, pays en guerre civile depuis 20 ans, entre désormais de plein pieds dans l'ère du numérique. Des femmes et des enfants meurent chaque jour de faim ? Qu'à cela ne tienne, la nouveauté n'est pas ici. Famines à répétitions, non-développement, piraterie, attentats, enlèvements, guerre, Al-Qaïda... ou encore défaillance de l'Etat. Voici les mots les plus couramment utilisés pour décrire ce territoire morcelé et déchiré de l'Est du continent africain. Mais là encore, le scoop n'est pas dans ces termes. Le scoop, il est sur Twitter ! Depuis quelques semaines maintenant, les Shebab somaliens, groupe terroriste ayant fait allégeance à Al-Qaïda depuis 2008, utilisent la plateforme de micro-blogging pour diffuser leur propagande. 
 
Le compte ne sera en effet pas resté inaperçu très longtemps, d'autant plus que l'on comptabilise aujourd'hui plus de 5.000 followers. Au départ s'exprimant en arabe, les Shebab ont maintenant décidé de faire passer leurs messages en anglais. D'une part, ça aide dans le cadre de la guerre - autant au sens propre qu'à coup de tweets - qui les oppose aux soldats kényans engagés dans le sud du pays et, d'autre part, cela permet de relayer des messages ayant beaucoup plus d'impact au niveau mondial que s'ils avaient continuer d'écrire en arabe. Ni une ni deux, les Etats-Unis ont réagi et tentent depuis plusieurs jours de faire fermer par tous les moyens légaux le compte Twitter des soldats de l'Axe du Mal. En anglais, la rhétorique d'Al-Qaïda peut aisément être relayée jusque sur le territoire américain. Mais peut-on censurer sur Twitter ? Doit-on censurer sur Twitter ?

D'un côté, oui, oui et oui. Les Shebab ne sont pas des anges, loin de là. Ils se reconnaissent eux-mêmes comme un groupe terroriste, et n'hésitent pas à décimer des familles entières pour assouvir leur pouvoir et toujours continuer de s'enrichir, au-delà même de quelconques revendications idéologiques (si tenté qu'il y en ait). On ne peut en effet décemment pas laisser circuler des messages à caractère haineux ou incitant à la violence sur la plateforme, même sous couvert de la liberté d'expression. On ne peut pas non plus honnêtement croire que les plus de 5.000 followers soient seulement des familles somaliennes de la région de Mogadiscio, l'ancienne capitale tenue pendant vingt ans par les milices armées, concernées par leur ancien "gouvernement" et se jetant sur leurs ordinateurs et leurs smartphone pour suivre leurs dernières actualités, en anglais bien sûr (la Somalie est dernière sur le classement par Indice de Développement Humain de l'ONU). Les messages se diffusent donc à travers le monde entier, ce qui peut entraîner aussi une diffusion de la violence.

Mais d'un autre côté, le scepticisme s'empare de moi. Au-delà d'un signalement d'abus sur un message spécifique, qu'est-ce qui empêche la propagande d'être de toute façon diffusée sur Internet, et d'être accessible à toute personne intéressée ? Aujourd'hui, lorsque l'on cherche une information sur le World Wide Web, on la trouve, tout simplement, avec ou sans lien Twitter, et peu importe le type de média. La censure du compte Twitter des Shebab somaliens ne servira donc à rien, sauf à apporter un peu plus d'eau à leur moulin de martyrs en puissance. Les critères de la censure sont également flous. Si l'on part du principe que les comptes à censurer sont tous ceux relayant des messages à caractère haineux et/ou incitant à la violence, il faudrait alors censurer les profils Twitter (et Facebook) de tous les groupes d'extrême droite du monde (ceux des Etats-Unis inclus), d'une bonne partie des sectes, de tous les groupes para-militaires, de tous les dictateurs et assimilés ainsi que de tous les fondamentalistes - peu importe leur religion d'appartenance - et j'en oublie certainement... Parce qu'il faudra bien un jour traiter tout le monde à la même enseigne... Alors c'est pour quand ?

jeudi 22 décembre 2011

Fils, voici ton héritage... - 2

4:40. C'est déjà l'heure de partir. Porte - couloir - ascenseur - couloir - trottoir - station. Porte. Quand j'y repense, ça me fait sourire. Enfin, pas la porte mais mon papi. Il voulait toujours qu'on vérifie qu'elle était bien verrouillée en partant. Il avait pas compris la révolution domotico-numérique, c'était pas de sa génération. Tout le monde s'est retrouvé avec une puce en haut de la nuque, pour ouvrir toutes les portes dont on a besoin. Besoin. Un mot pas comme les autres. Je me demande si c'est pour ça qu'on a plus de loisirs. Les loisirs, on en avait pas besoin. Et puis c'était trop compliqué à gérer avec les puces. Trop de portes à ouvrir. Papi. Il me manque quand même avec ses vieilles manies à la con. Porte ; clé. Indissociables ; avant. Des clés, on en a plus besoin. Besoin. Ça tourbillonne trop dans ma tête, je crois que y a un cachet que je digère pas bien encore. La tête qui tourne, tous les matins c'est pareil depuis deux mois. Vite l'ascenseur, l'air y est plus souvent renouvelé que dans le couloir.

4:50. Station. Le quai est plein, les voies désertes. La rame ne devrait plus tarder maintenant, elle arrive toujours dans ces eaux-là. L'air est potable ce matin, même s'il a fait plutôt chaud hier. Là aussi j'ai de la chance. Dans mon quartier, il y a beaucoup de brasseurs d'air, même à l'extérieur. C'est pour ça aussi que le loyer est aussi cher. Au moins peut-être que ma fille n'aura pas la pneumonie caractéristique des cinquantenaires de la banlieue lointaine. Moi je sais que je n'y échapperai pas. Heureusement, ils ont trouvé le moyen de la mettre en sommeil pendant environ vingt ans. C'est beau la science, c'est beau le progrès. Par contre une fois déclenchée, ça coûte trop cher de se faire soigner alors que c'est de toutes façons fatal. Ben du coup on vit avec. Pas longtemps, mais ça permet de se préparer à la mort. A les entendre sur Coaching TV, on peut surmonter n'importe quoi quand on y est préparé. Je me demande ce que ça fait de surmonter la mort.

5:00. Pfff. On étouffe là-dedans. Tout le temps debout, tout le trajet. Je guette ma fille du coin de l’œil, sur les marches réservées aux enfants. Avec tout ce monde, un enfant ça se perd vite dans la rame, dans le flux des montées et des descentes. Prochain arrêt, le centre éducatif fermé. Encore un matin où l'on va me regarder de travers parce que ma gamine a fait un truc tellement indécent qu'elle doit se faire rééduquer. Pour combien de temps encore ? Tant qu'elle ne voudra plus parler, elle devra y rester. Tant qu'ils ne sauront pas si elle peut se réintégrer, elle devra y rester. Tant qu'ils ne seront pas certains qu'elle ne contestera plus l'ordre établi, elle devra y rester. La psy a été changée l'année dernière, elle ne correspondait pas à la redéfinition du poste depuis que les chinois ont investi le gouvernement planétaire. Je sais qu'elle comprend la langue, je le sais. Mais depuis, elle ne parle plus, même à moi. Peut-être que pour l'instant c'est pas plus mal, à cause des écoutes. Peut-être que quand elle aura compris que je ne veux que son bien, elle reviendra vers moi. Peut-être qu'alors ils la libèreront, ou qu'elle se libèrera toute seule. Peut-être...

5:10. Un jour, je lui dirai. Non, un jour, je lui écrirai. En français, en anglais, peut-être en chinois, sur du papier même. Je lui raconterai tout, je lui expliquerai tout. Tout mon amour, toutes mes déceptions, toutes mes fiertés surtout. Enfin MA fierté, elle, Leia. Et mon papi, ses rêves et son univers, mes parents, leur aveuglement et leur déni, pourquoi, elle et moi on en est arrivées là. J'ai mis lentement mais sûrement un peu d'argent de côté, pour l'acheter ce vieux papier, au marché noir. Avec le tout numérique, c'est trop risqué. Le Cloud, surveillé, jusqu'aux moindres recoins des foyers sous la juridiction du gouvernement planétaire. Bientôt, je pourrais enfin commencer. Du vieux papier, et de l'encre pour écrire. Il me l'a promis, son père. Lui qui est parti dans l'ombre, lui qui n'a pas supporté de rester dans le système. Je ne lui en veux pas, comme lui comprend que je sois restée, pour elle. Elle saura. J'espère juste qu'elle verra combien je l'aime, combien on l'aime. J'espère juste qu'elle comprendra qu'on s'est battus pour elle. J'espère tant de cela...

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1997 : Entre les 1er et 12 décembre, la 3e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP 3) se déroule à Kyoto. Il y est question d'instaurer un traité international permettant de réduire, entre 2008 et 2012, de 5,2% par rapport au niveau de 1990 les émissions de six gaz à effet de serre : dioxyde de carbone, méthane, dioxyde d'azote et trois substituts des chlorofluorocarbones. Les négociations sont ouvertes entre les pays membres (plus de 150). Le 11 décembre, les premières conditions d'application du protocole de Kyoto sont définies.

mardi 20 décembre 2011

Pedro Pires, l'exemple africain 2011

Président de la République du Cap-Vert de 2001 à 2011, Pedro Pires a été cette année Lauréat 2011 du prix Mo Ibrahim. Et pourtant, l'un comme l'autre ne disent rien à personne, en tout cas en Occident. Portraits croisés de deux figures de l'excellence d'un continent en devenir.

Pedro de Verona Rodrigues Pires, 77 ans, est donc un homme politique cap-verdien. D'abord premier ministre de 1975 à 1991, il devient président de la République de cet archipel de plus de dix îles à l'ouest du continent en 2001. En deux mandats, il a su conduire plusieurs réformes fondamentales, qui ont notamment permis au Cap-Vert d'être l'un des deux seuls pays africains à sortir de la catégorie des Pays les Moins Avancés (PMA, selon les critères de l'ONU), ou encore de passer d'un régime autocratique basé sur un parti unique à une démocratie pluraliste. A la fin de son second mandat, en 2011, le président Pires décide de ne pas se représenter. Il cède alors dignement sa place à son successeur, sans heurts, sans accros... Fait remarquable, il s'est même catégoriquement opposé à toute modification de la Constitution lui permettant de briguer un troisième mandat consécutif.

Pour toutes ces raisons, Pedro Pires est un exemple de réussite et de gouvernance pour le continent africain.
 
Mo Ibrahim est un homme d'affaires soudanais. Aujourd'hui résidant à Londres, il évolue dans la téléphonie mobile et compte parmi les plus grandes fortunes du monde. Mais il n'a pas pour autant tourné le dos à ses convictions, ni à son continent d'origine. Pour preuve, il est le créateur d'un indice portant son nom et mesurant les performances des pays africains, ainsi que d'un prix qui récompense les meilleurs leaders du continent : le Prix Ibrahim pour le leadership d'excellence en Afrique. Le Prix Ibrahim s'élève à un versement global de 5 millions de dollars sur 10 ans, complété ensuite par une dotation annuelle de 200 000 dollars américains à vie. Les lauréats du prix ont par exemple été le Mozambicain Joaquim Chissano en 2007 et le Botswanais Festus Mogae, en 2008. En 2009 et 2010, le comité du prix avait décidé de ne pas l’attribuer, faute de candidature satisfaisante.
 
Pour toutes ces raisons, Pedro Pires a été désigné cette année Lauréat par le comité d'attribution du prix Ibrahim le 10 octobre 2011. Qui montrera l'exemple l'année prochaine ?

dimanche 18 décembre 2011

Youssou N'Dour, futur candidat à l'élection présidentielle sénégalaise ?

7 Seconds avec Neneh Cherry, l'hymne de la Coupe du Monde de football de 1998 avec Axelle Red ou encore la bande originale du film Kirikou et la sorcière, Youssou N'Dour est un artiste sénégalais complet et accompli. Après la musique, le cinéma et un très fort engagement caritatif, l'artiste pourrait encore ajouter une corde à son arc dès le 2 janvier prochain. C'est à cette date qu'il a annoncé l'officialisation de sa décision de se présenter ou non à l'élection présidentielle sénégalaise, dont le scrutin se déroulera en février 2012. Une énième candidature de plus parmi la vingtaine que compte déjà le Sénégal ? Pas si sûr.
Car à bien y regarder de plus près, les enjeux de cette dixième élection présidentielle depuis l'indépendance du pays en 1960 ont changé. Le président en exercice, Abdoulaye Wade, a certes modifié la constitution pour limiter le nombre de mandats présidentiels à deux, mais espère encore profiter d'une brèche juridique pour, à 85 ans, se présenter une troisième - et certainement dernière - fois. D'abord partisan en 2007 de laisser la place à une nouvelle génération, c'est-à-dire à son fils, Karim Wade, il s'est ensuite littéralement "renié" en 2009, suite à l'échec de celui-ci pour remporter le fauteuil de maire de Dakar, la capitale, face à une opposition rassemblée. Karim Wade devient alors ministre d'Etat avec plusieurs portefeuilles et, en 2011, son père décide de réformer de nouveau la constitution. Un "ticket" présidentiel est proposé - clairement père-fils - pouvant être élu avec une majorité à 25% des suffrages. Le jour du vote à l'Assemblée nationale, le peuple sénégalais est descendu dans la rue pour manifester vigoureusement son opposition. Le Mouvement du 23 Juin ou M23 était né.

De son côté, l'opposition s'était trouvée renforcée et légitimée dans ses actions par ce soudain réveil citoyen. Depuis, les manifestations se sont multipliées pour le retrait de la candidature du président sortant, et les divers mouvements associatifs tentent de montrer l'exemple aux politiques en se fédérant sous une même bannière. Mais rien n'y fait. Plus d'une vingtaine de candidats sont déjà prêts à entamer leur campagne, et les débats n'en finissent plus de tourner autour de la légalité de la candidature Wade. Parmi eux, Idrissa Seck, Macky Sall et Aminata Tall, figures politiques nationales et anciens du parti majoritaire, ont tous trois annoncé leur candidature, en plus des candidats de l'opposition traditionnelle qui n'a pas su proposer un représentant unique. Le dégagement d'une majorité pour l'un des candidats apparaît alors comme impossible, d'autant que les égos ne semblent pas près de s'effacer.

Pourtant, un énième candidat pourrait peut-être faire l'unanimité. En effet, un candidat qui n'est pas une autre figure politique, pas affilié à un parti, qui pourrait se positionner au-dessus de la mêlée et qui, de par sa stature nationale et internationale, ferait souffler un vent de renouveau dans les institutions politiques sénégalaises quelques peu encroûtées par la gérontocratie ambiante. Après tout, Youssou N'Dour pourrait très bien mener une campagne éclair d'à peine deux mois, puisque l'opposition et le président sortant, en cette mi-décembre, en sont toujours à débattre sur le fond de la question juridique. Après tout, il ne serait pas le premier artiste à oser poser sa candidature à une telle élection pour au moins engager un autre débat. Après tout, il ne serait pas non plus le premier chanteur à accéder à la fonction suprême de son pays dans un immense élan populaire, imprégné d'espoir, et fatigué de la corruption et des débats stériles qui n'en finissent plus. Après tout...

jeudi 15 décembre 2011

Fils, voici ton héritage... - 1

4:00. Le réveil sonne. 21/12/2112, les prédications du Grand Imam Papal Orthodoxe vont-elles se réaliser ? Après tout pourquoi pas, peut-être vaut-il mieux mourir dignement, sans souffrance et avec cette aura bienveillante que de continuer dans cette morosité ambiante. En fait, j'en sais trop rien, j'ai pas le temps d'y penser de toutes façons. La journée s'annonce chargée, comme d'habitude. Il faut dire qu'avec deux boulots, c'est dur. Mais bon, je le voulais tellement ce container à moins de cent kilomètres du centre d'affaires...

4:10. Je réveille ma fille. Elle part avec moi le matin, c'est moins dangereux. Pour le soir, elle rentre toujours avec des amies mieux loties dont les parents peuvent louer les services d'agents de sécurité. Il faut dire qu'ils connaissent quelques personnes ici et là, ça aide. Là aussi j'ai de la chance. J'ai pu l'inscrire dans le centre éducatif fermé le plus proche. Finalement c'est mieux comme ça. Je lui avais bien dit de ne pas critiquer les enseignements religieux dans la rue. Une unité de surveillance avait suivi toute la conversation, et comme les enfants sont fichés dès la naissance, elle avait été repérée tout de suite. C'était il y a deux ans, elle en avait huit.

4:20. J’avale péniblement mes quinze pilules du matin. Entre les médicaments préventifs contre la dépression, le sida et la maladie d'Alzheimer, les compléments alimentaires et les aliments lyophilisés eux-mêmes, heureusement que des packs complets existent tout prêt au supermarché. J'aurai bien aimé connaître le temps des livraisons à domicile tiens ! Mais ils les ont arrêtées il y a quelques dizaines d'années, ça leur coûtait trop cher en main-d’œuvre. Ma fille arrive près de la table, j'ai déjà préparé son lot de pilules qu'elle prendra sur le chemin, ça tient mieux au corps. Je peux enfin lui dire bonjour.
 - 你好我亲爱的睡不好觉?
Heureusement, elle aura un meilleur accent que moi. Quand j'étais petite c'était l'anglais la langue mondiale. Depuis que la région Chine a racheté le continent Europe et le continent Amériques, ben on s'est tous mis au chinois. C'était dur au début, mais on s'y est fait. On se fait à tout d'ailleurs. Je voulais transmettre le dialecte de ma famille à ma fille, le français, mais après l'incident d'il y a deux ans nos conversations privées sont sur écoute, et ce n'est plus possible. Et puis le gouvernement planétaire ne rigole pas avec les "reliquats sécessionnistes". Je serai donc la dernière... C'est triste. Comment une langue peut-elle s'éteindre comme ça juste avec une personne ?

4:30. Ça y est, on est en retard. J'envoie ma fille se préparer pendant que je range les lits-couchettes qui encombrent la pièce. Quand j'y repense, ils étaient doués au 20e siècle, avec leurs films d'anticipation. Mon grand-père me les montrait quand j'étais petite, quand on avait encore un peu de temps libre pour ce qu'ils appelaient les "loisirs". Aujourd'hui va trouver quelqu'un qui sait ce que c'est ! Au fait comment ils s'appelaient ces films déjà ? Ah oui, je me souviens de Aliens et du Cinquième Élément. Toutes les copies ont dû être détruites maintenant... Bon c'est rangé, à mon tour pour la cabine. En semaine, ça va toujours très vite, grâce aux nettoyants en poudre. Là aussi j'ai de la chance. Dans mon secteur, on peut prendre une douche par semaine, d'ailleurs c'est pour ça que le loyer est aussi cher. Une semaine c'est moi, une semaine c'est ma fille, pour éviter de faire comme mes parents qui avaient encore droit à un bain par mois... J'en aurais pas profité beaucoup tiens ! Par contre, on a pas intérêt à oublier de recycler l'eau, parce que l'amende fait bien mal. En même temps, c'est normal, on est hyper ric-rac là-dessus depuis vingt ans.

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1995 : Le GIEC (Groupe d'experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat), créé en 1988, publie son second rapport, dans lequel il précise que « l'étude des preuves suggère une influence détectable de l'activité humaine sur le climat planétaire ». Cette étude servira de base au Protocole de Kyoto en 1997.

dimanche 11 décembre 2011

Côte d'Ivoire, bis repetita

Ce dimanche, les Ivoiriens étaient appelés à élire leurs nouveaux représentants au sein de l'Assemblée nationale, scrutin prévu depuis plusieurs mois. Ce dernier avait été promis par le Président Alassane D. Ouattara, arrivé au pouvoir avec plusieurs mois de retard et surtout à la suite d'une crise politique, humanitaire et enfin économique sans précédent depuis l'indépendance du pays en 1960, ainsi que par Guillaume Soro, Premier ministre et ancien chef des ex-Forces Nouvelles devenues FRCI (Forces Républicaines de Côte d'Ivoire). Oui, les élections législatives avaient été promises au peuple. Si seulement il avait su...

Les élections sont en effet courues d'avance, depuis que l'opposition a retiré tous ses candidats en lice. Pourquoi ? Parce que la Côte d'Ivoire, ou plutôt le gouvernement ivoirien, ne s'est pas senti apte à juger Laurent Gbagbo, le président déchu, sur ses terres, et a préféré l'envoyer manu militari devant la Cour Pénale Internationale à La Haye. C'était le geste de trop. Pour les anciens partisans du "boulanger d'Abidjan" ("parce qu'il sait mieux que quiconque rouler ses adversaires dans la farine"), Alassane Ouattara était déjà le candidat imposé par la Communauté internationale, installé au pouvoir grâce à l'armée française, soutenu par l'ex-rébellion des Forces Nouvelles, le représentant suprême de ce camp des vainqueurs qui ne sera jamais jugé pour ses exactions pendant le conflit post-électoral. Depuis cette semaine, il est en plus l'auteur de la déportation de Laurent Gbagbo à La Haye, condamné à l'enfermement et l'exil alors qu'une capture mortelle l'aurait élevé au rang de martyr.

Pourtant, jusqu'il y a encore peu, la "réconciliation" était sur toutes les lèvres, et une Commission présidée par Charles Konan Bany a même été créée dans ce but. Alassane Ouattara avait pourtant su trouver les mots pour rallier Henri Konan Bédié, ancien président, à sa cause durant l'entre-deux tours, puis patienter de nombreux mois après le scrutin qui l'avait désigné président pour donner une chance à Laurent Gbagbo de se retirer dignement, il avait tenu d'une main de fer les Forces Nouvelles pour éviter les affrontements et lorsqu'il s'était retrouvé dos au mur, il avait fait appel à l'armée française, dans le cadre de l'accord bilatéral entre les deux pays, pour éviter un siège sans fin qui aurait pu être fatal à son prédécesseur retranché dans sa résidence de Cocody. ADO avait enfin assuré que tous les auteurs d'exactions seraient arrêtés et jugés, sans distinction de camps.

Mais voilà, cette semaine, il a failli. En faisant exécuter le mandat d'arrêt de la CPI aussi rapidement que possible, il a non seulement tué dans l’œuf toute initiative de rapprochement avec le FPI, l'ancien parti de Laurent Gbagbo, mais également décrédibilisé la Côte d'Ivoire et même plus généralement l'Afrique sur ses capacités propres de gestion des crises et de résolution des conflit. Laurent Gbagbo aurait pu être jugé dans son pays, cela aurait été long et éprouvant mais cathartique. Sur ce point-là, Alassane Ouattara a malheureusement choisi la solution de facilité. Et maintenant ? Ce 11 décembre, la Côte d'Ivoire se retrouve, encore, avec un président qui aura usé de la force pour être installé, avec un parti ultra-majoritaire à l'Assemblée nationale, et une équipe gouvernementale qui conserve, pour le moment, ses cadavres bien à l'abri dans ses placards.

Et après ? Ce sera la destinée du pays choisie par le Président et son Premier ministre qui permettra de dire si le premier a la trempe d'un Houphouët-Boigny ou l'attentisme d'un Konan Bédié, et si la patrie des Éléphants pourra retrouver sa place de phare économique et culturel de l'Afrique de l'Ouest. Pour le moment, la Côte d'Ivoire reste orpheline.

vendredi 9 décembre 2011

Il suffit... Parlons français !

Il suffit.

Oui, il suffit.
Il suffit de bien travailler à l'école nous dit-on.
Il suffit d'avoir des parents attentifs.
Il suffit de lire et d'en avoir le goût surtout.
Il suffit de se relire, et en cas de doute de vérifier dans le dictionnaire, le Bescherelle, et maintenant sur Internet.
Il suffit que l'on ait manqué de tout cela ou presque pour être excusé de ne pas savoir parler ou écrire correctement le français.
Il suffit que, il suffit de... Je n'y crois pas, à tout cela.

Il suffit de réfléchir à ce que l'on dit.
Il suffit de faire attention à comment l'on prononce.
Il suffit aussi de ne pas tenter de liaisons dangereuses.
Il suffit de ne pas se laisser emporter par ses tics nerveux.
Il suffit de ne pas raccourcir les mots, d'en prononcer toutes les syllabes.
Il suffit donc de s'entraîner, surtout lorsque l'on en fait son métier.
Il suffit que, il suffit de... Je n'y crois pas, à tout cela.

Alors mesdames et messieurs, hommes et femmes politiques, des médias
Ou autres, pourquoi certains arrivent à parler et écrire français, et d'autres pas ?
Pourquoi vouloir toujours mettre un "s" à "cent euros", à la troisième personne du singulier, au passé et au futur ?
Pourquoi vouloir changer "cette" en "c'te" au gré de ses conjectures ?
Je n'y crois pas, à tout cela. Alors je dis...

Il suffit !

L'espoir est-il permis en République Démocratique du Congo ?

Joseph Kabila, Président de la RDC depuis 2001
La République Démocratique du Congo vit normalement aujourd'hui ses dernières heures dans l'attente des résultats de l'élection présidentielle qui s'est déroulée le 28 Novembre dernier. Sauf surprise majeure, le candidat à sa propre succession Joseph Kabila devrait être réélu pour un second mandat lors de ce scrutin à un tour.

L'opposition, qui compte aussi bien dans ses rangs l'opposant historique du Maréchal Mobutu, de Laurent Désiré Kabila puis de son fils Joseph au pouvoir depuis 2001, Etienne Tshisekedi, que le transfuge Vital Kamerhe, notamment directeur de campagne du président Joseph Kabila en 2006, n'a pas su proposer un candidat commun qui aurait pu augmenter nettement ses chances de victoire.

La CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) ne s'est, quant à elle, pas donnée tous les moyens d'offrir aux Congolais un futur résultat incontestable et à la Communauté internationale tous les gages de transparence nécessaires à l'organisation d'élections majeures. Certains résultats seront invérifiables, des observateurs n'ont pas pu être mobilisés au sein de l'ensemble des bureaux de vote, des rumeurs de pré-remplissage des bulletins composés de pas moins de 54 pages ont même un temps couru.

L'état des infrastructures dans le pays pour mettre en place le dispositif électoral et regrouper ensuite les résultats pour l'étape cruciale du comptage, ainsi que les listes électorales parfois incomplètes et autres irrégularités de-ci de-là, ont fini de parachever ce que de nombreux spectateurs, impuissants, ont pu prendre comme un simulacre ou pire, une mascarade.

Mais il n'en reste pas moins que les Congolais se sont rendus librement et sans trop de heurts aux urnes, dans une proportion qui reste encore à vérifier, que les résultats partiels donnent pour le moment gagnant Joseph Kabila mais pas grâce à une très large majorité, et que l'opposition a un temps plus que largement envisagé de se rassembler derrière une personnalité unique qui aurait fait l'unanimité.

Après une Indépendance dans la douleur en 1960, les tentatives de sécession de plusieurs provinces, l'écartement puis l'assassinat du symbole, encore aujourd'hui, du panafricanisme Patrice Lumumba, les trente années de règne sans partage du Maréchal Mobutu, une guerre civile de plusieurs mois qui amena Laurent Désiré Kabila au pouvoir avant son assassinat, la République Démocratique du Congo est peut-être aujourd'hui passée à côté de l'opportunité que pouvait représenter ces élections. Mais il est également vrai qu'un tel scrutin n'a jamais été aussi libre, autant suivi et regardé de toutes parts, et ne s'est non plus jamais autant déroulé dans le calme et l'unité relative dans ce pays grand comme l'Europe. Dans ces circonstances, la RDC continue, lentement mais sûrement, d'avancer sur la voie qui la mène à la démocratie, au pluralisme, à la paix, à la construction d'un Etat-nation... Bref, la voie du développement.

Alors oui, je le dis, l'espoir est tout-à-fait permis en République Démocratique du Congo.