dimanche 11 décembre 2011

Côte d'Ivoire, bis repetita

Ce dimanche, les Ivoiriens étaient appelés à élire leurs nouveaux représentants au sein de l'Assemblée nationale, scrutin prévu depuis plusieurs mois. Ce dernier avait été promis par le Président Alassane D. Ouattara, arrivé au pouvoir avec plusieurs mois de retard et surtout à la suite d'une crise politique, humanitaire et enfin économique sans précédent depuis l'indépendance du pays en 1960, ainsi que par Guillaume Soro, Premier ministre et ancien chef des ex-Forces Nouvelles devenues FRCI (Forces Républicaines de Côte d'Ivoire). Oui, les élections législatives avaient été promises au peuple. Si seulement il avait su...

Les élections sont en effet courues d'avance, depuis que l'opposition a retiré tous ses candidats en lice. Pourquoi ? Parce que la Côte d'Ivoire, ou plutôt le gouvernement ivoirien, ne s'est pas senti apte à juger Laurent Gbagbo, le président déchu, sur ses terres, et a préféré l'envoyer manu militari devant la Cour Pénale Internationale à La Haye. C'était le geste de trop. Pour les anciens partisans du "boulanger d'Abidjan" ("parce qu'il sait mieux que quiconque rouler ses adversaires dans la farine"), Alassane Ouattara était déjà le candidat imposé par la Communauté internationale, installé au pouvoir grâce à l'armée française, soutenu par l'ex-rébellion des Forces Nouvelles, le représentant suprême de ce camp des vainqueurs qui ne sera jamais jugé pour ses exactions pendant le conflit post-électoral. Depuis cette semaine, il est en plus l'auteur de la déportation de Laurent Gbagbo à La Haye, condamné à l'enfermement et l'exil alors qu'une capture mortelle l'aurait élevé au rang de martyr.

Pourtant, jusqu'il y a encore peu, la "réconciliation" était sur toutes les lèvres, et une Commission présidée par Charles Konan Bany a même été créée dans ce but. Alassane Ouattara avait pourtant su trouver les mots pour rallier Henri Konan Bédié, ancien président, à sa cause durant l'entre-deux tours, puis patienter de nombreux mois après le scrutin qui l'avait désigné président pour donner une chance à Laurent Gbagbo de se retirer dignement, il avait tenu d'une main de fer les Forces Nouvelles pour éviter les affrontements et lorsqu'il s'était retrouvé dos au mur, il avait fait appel à l'armée française, dans le cadre de l'accord bilatéral entre les deux pays, pour éviter un siège sans fin qui aurait pu être fatal à son prédécesseur retranché dans sa résidence de Cocody. ADO avait enfin assuré que tous les auteurs d'exactions seraient arrêtés et jugés, sans distinction de camps.

Mais voilà, cette semaine, il a failli. En faisant exécuter le mandat d'arrêt de la CPI aussi rapidement que possible, il a non seulement tué dans l’œuf toute initiative de rapprochement avec le FPI, l'ancien parti de Laurent Gbagbo, mais également décrédibilisé la Côte d'Ivoire et même plus généralement l'Afrique sur ses capacités propres de gestion des crises et de résolution des conflit. Laurent Gbagbo aurait pu être jugé dans son pays, cela aurait été long et éprouvant mais cathartique. Sur ce point-là, Alassane Ouattara a malheureusement choisi la solution de facilité. Et maintenant ? Ce 11 décembre, la Côte d'Ivoire se retrouve, encore, avec un président qui aura usé de la force pour être installé, avec un parti ultra-majoritaire à l'Assemblée nationale, et une équipe gouvernementale qui conserve, pour le moment, ses cadavres bien à l'abri dans ses placards.

Et après ? Ce sera la destinée du pays choisie par le Président et son Premier ministre qui permettra de dire si le premier a la trempe d'un Houphouët-Boigny ou l'attentisme d'un Konan Bédié, et si la patrie des Éléphants pourra retrouver sa place de phare économique et culturel de l'Afrique de l'Ouest. Pour le moment, la Côte d'Ivoire reste orpheline.

1 commentaire:

  1. Cet article a été en publication chez Agoravox, où il est disponible à cette adresse : http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/cote-d-ivoire-bis-repetita-106259

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