dimanche 25 décembre 2011

Shebab en Somalie, doit-on censurer Twitter ?

La Somalie, pays en guerre civile depuis 20 ans, entre désormais de plein pieds dans l'ère du numérique. Des femmes et des enfants meurent chaque jour de faim ? Qu'à cela ne tienne, la nouveauté n'est pas ici. Famines à répétitions, non-développement, piraterie, attentats, enlèvements, guerre, Al-Qaïda... ou encore défaillance de l'Etat. Voici les mots les plus couramment utilisés pour décrire ce territoire morcelé et déchiré de l'Est du continent africain. Mais là encore, le scoop n'est pas dans ces termes. Le scoop, il est sur Twitter ! Depuis quelques semaines maintenant, les Shebab somaliens, groupe terroriste ayant fait allégeance à Al-Qaïda depuis 2008, utilisent la plateforme de micro-blogging pour diffuser leur propagande. 
 
Le compte ne sera en effet pas resté inaperçu très longtemps, d'autant plus que l'on comptabilise aujourd'hui plus de 5.000 followers. Au départ s'exprimant en arabe, les Shebab ont maintenant décidé de faire passer leurs messages en anglais. D'une part, ça aide dans le cadre de la guerre - autant au sens propre qu'à coup de tweets - qui les oppose aux soldats kényans engagés dans le sud du pays et, d'autre part, cela permet de relayer des messages ayant beaucoup plus d'impact au niveau mondial que s'ils avaient continuer d'écrire en arabe. Ni une ni deux, les Etats-Unis ont réagi et tentent depuis plusieurs jours de faire fermer par tous les moyens légaux le compte Twitter des soldats de l'Axe du Mal. En anglais, la rhétorique d'Al-Qaïda peut aisément être relayée jusque sur le territoire américain. Mais peut-on censurer sur Twitter ? Doit-on censurer sur Twitter ?

D'un côté, oui, oui et oui. Les Shebab ne sont pas des anges, loin de là. Ils se reconnaissent eux-mêmes comme un groupe terroriste, et n'hésitent pas à décimer des familles entières pour assouvir leur pouvoir et toujours continuer de s'enrichir, au-delà même de quelconques revendications idéologiques (si tenté qu'il y en ait). On ne peut en effet décemment pas laisser circuler des messages à caractère haineux ou incitant à la violence sur la plateforme, même sous couvert de la liberté d'expression. On ne peut pas non plus honnêtement croire que les plus de 5.000 followers soient seulement des familles somaliennes de la région de Mogadiscio, l'ancienne capitale tenue pendant vingt ans par les milices armées, concernées par leur ancien "gouvernement" et se jetant sur leurs ordinateurs et leurs smartphone pour suivre leurs dernières actualités, en anglais bien sûr (la Somalie est dernière sur le classement par Indice de Développement Humain de l'ONU). Les messages se diffusent donc à travers le monde entier, ce qui peut entraîner aussi une diffusion de la violence.

Mais d'un autre côté, le scepticisme s'empare de moi. Au-delà d'un signalement d'abus sur un message spécifique, qu'est-ce qui empêche la propagande d'être de toute façon diffusée sur Internet, et d'être accessible à toute personne intéressée ? Aujourd'hui, lorsque l'on cherche une information sur le World Wide Web, on la trouve, tout simplement, avec ou sans lien Twitter, et peu importe le type de média. La censure du compte Twitter des Shebab somaliens ne servira donc à rien, sauf à apporter un peu plus d'eau à leur moulin de martyrs en puissance. Les critères de la censure sont également flous. Si l'on part du principe que les comptes à censurer sont tous ceux relayant des messages à caractère haineux et/ou incitant à la violence, il faudrait alors censurer les profils Twitter (et Facebook) de tous les groupes d'extrême droite du monde (ceux des Etats-Unis inclus), d'une bonne partie des sectes, de tous les groupes para-militaires, de tous les dictateurs et assimilés ainsi que de tous les fondamentalistes - peu importe leur religion d'appartenance - et j'en oublie certainement... Parce qu'il faudra bien un jour traiter tout le monde à la même enseigne... Alors c'est pour quand ?

1 commentaire:

  1. Cet article a été publié sur Agoravox à l'article suivant : http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/shebab-en-somalie-doit-on-censurer-106968

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