mardi 24 janvier 2012

Guinée-Bissau : Quel avenir après le décès du président Sanha ?

Le président bissau-guinéen Malam Bacai Sanha, décédé le 09 janvier dernier.
Lundi 09 janvier 2012 décédait le président de la République de Guinée-Bissau, à l'hôpital du Val de Grâce, à Paris, des suites d'une longue maladie liée au diabète, que les médecins n'ont officiellement jamais réussi à diagnostiquer.  Malam Bacai Sanha s'en est donc allé, à presque 65 ans, laissant derrière lui un pays où il a "fait ce qu'il pouvait", dixit les spécialistes de la sous-région.

En effet, la Guinée-Bissau, indépendante depuis septembre 1974 à la suite d'un combat acharné contre le colonisateur portugais, survit tant bien que mal depuis lors. Enclavé entre le Sénégal au nord et la Guinée-Conakry au sud, ce pays d'un million et demi d'habitants pour un territoire presque équivalent à celui de la Belgique compte parmi les moins développés du monde (classé 164 sur 196 concernant l'Indice de Développement Humain de l'ONU, classement 2010). Pourtant, il était promis à un brillant avenir avec son "compagnon de route" de toujours, le Cap Vert, dont l'ancien président Pedro Pires vient d'être récompensé pour sa bonne gouvernance. Leur histoire a en effet été liée pendant des dizaines d'années, depuis l'arrivée des Portugais jusqu'à leur bataille commune pour l'indépendance, incarnée alors par Amilcar Cabral. Ce dernier se fera assassiner après vingt ans de lutte, six mois avant la Révolution des Œillets au Portugal et la prononciation de facto de l'indépendance des colonies. Luiz Cabral, son demi-frère, prendra alors la présidence du pays et souhaitera former une unité entre la Guinée-Bissau et le Cap-Vert. Cette idée sera complètement abandonnée après le coup d'état de Nino Vieira, en 1980, qui contraindra Luiz Cabral à l'exil jusqu'à sa mort. Nino Vieira restera plus de 20 ans au pouvoir, et près de 25 ans dans l'arène politique bissau-guinéenne. Il sera défait une première fois en 1999, après une guerre civile impliquant les militaires, pendant laquelle Malam Bacai Sanha assurera l'intendance de la présidence pendant un an. Nino Vieira reviendra aux affaires en 2005 suite à des élections auxquelles il n'aurait jamais dû participer selon la Constitution. Il sera tout simplement "descendu" en 2009 dans son palais présidentiel, à la suite d'un assaut d'hommes en arme.

C'est alors que Malam Bacai Sanha revint sur le devant de la scène bissau-guinéenne. Il prit la suite du président Vieira, dans un contexte de rivalités inter-armées et de guerre des cartels de drogue. Mais Sanha était avant-tout un homme de la société civile, et non de l'armée. Ancien compagnon idéologique du père de l'indépendance Amilcar Cabral, le président Sanha était d'abord un homme de rassemblement, et un homme qui voulait donner moins de pouvoir à l'armée grâce à la mise en place de réformes volontaristes. Il avait d'ailleurs échappé de justesse à une tentative de coup d'état, en décembre dernier, diligentée par les caciques de la marine nationale dans le même contexte que le président Vieira. Après ces quelques années au pouvoir, le président Sanha s'en est allé, en laissant donc un pays où il a "fait ce qu'il y pouvait", sans homme fort pour lui succéder légitimement. D'après la Constitution, le président de l'Assemblée nationale devait prendre l'intérim, mais l'opposition l'a contesté avant même sa prise de fonction. Ainsi, aujourd'hui en Guinée-Bissau, l'on assiste moins à une rivalité des idées qu'à une rivalité des personnalités, dont aucune n'émerge réellement et qui pourrait faire l'objet d'une relative unanimité. Et surtout, surtout, l'on reste toujours dans cette sorte de "relation incestueuse" entre la société civile et l'armée, dans la mesure où cette dernière, incoutournable mais principal facteur d'instabilité dans le pays, tient plus ici - et depuis l'indépendance - la place d'un pouvoir de l'ombre, avec la complicité des hommes politiques qui pour beaucoup d'entre eux manipulent les factions qui leur sont favorables, que d'un contre-pouvoir éventuellement bienveillant. Le tout se déroule sur fond de plaque tournante du narco-trafic sud-américain à destination de l'Europe.

L'avenir prometteur de la Guinée-Bissau s'est ainsi beaucoup assombri depuis les années 1980, mais il fallait rendre hommage à la seule autre personnalité depuis Amilcar Cabral, l'indépendance et Luiz Cabral, qui aura su, même sur une si courte période, ramener un semblant de calme et d'unanimité dans le pays.

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