dimanche 22 janvier 2012

La Hongrie ou la gouvernance de l'extrême droite révélée

La Hongrie. Pays d'Europe centrale de dix millions d'habitants, pour une superficie de moins d'un cinquième de la France, la Hongrie est membre de l'Union européenne depuis le 1er mai 2004. Ses voisins directs sont entre autres l'Autriche, la Slovaquie ou encore l'Ukraine et la Roumanie. Jusqu'ici, la Hongrie faisait parler d'elle notamment grâce au rayonnement culturel de sa capitale, Budapest, et politiquement suite à sa présidence de l'Union européenne au premier semestre 2011. Un long fleuve tranquille, ou presque... En effet, la Hongrie provoque de plus en plus de remous depuis quelques semaines maintenant, notamment par le biais de Viktor Orban, son Ministre-Président, et par l'application le 1er janvier 2012 de sa toute nouvelle Constitution ultra-nationaliste, qui vient couronner une longue série de lois, de réformes et de décisions politiques plus loufoques et dérangeantes les unes que les autres. 
 
Arrivé au pouvoir en 2010 avec son parti ultra-conservateur Fidesz (Alliance des Jeunes Démocrates), il mène depuis lors une politique pouvant être qualifiée de dirigiste et de populiste. Dans la foulée des élections législatives, où sa coalition obtient la majorité absolue des voix au Parlement, il fait adopter un amendement constitutionnel relatif à la double nationalité pour les minorités magyares situées hors du territoire national. Premier tollé général pour les voisins directement concernés du pays, qui voient cette décision comme un ingérence pure et simple dans leurs affaires nationales. Fin 2010, il fait également adopter une loi sur le contrôle des médias, qui sera à peine allégée suite aux protestations de l'Union européenne. Les médias publics ont alors été directement placés sous la tutelle directe du parti du Ministre-Président, et près de six cents journalistes et techniciens réputés hostiles au Fidesz ont été licenciés. La loi impose également la production d'une information "équilibrée" et "objective", et n'oublie pas la suppression de la protection des sources. Dans le contexte de crise économique qui frappe la Hongrie de plein fouet, l'autocensure s'est appliquée presque immédiatement. Quant aux rares médias d'opposition, soit ils appartiennent à de grands groupes soucieux de ne pas être financièrement pénalisés s'ils ne reçoivent plus de publicité par le biais de l’État, soit leur licence leur a été retirée.

En 2011, Viktor Orban et son parti frappent encore plus fort. En avril, l'Assemblée nationale adopte à la majorité la Loi fondamentale de la Hongrie, nouvelle Constitution très conservatrice qui s'applique dès 2012. Les grandes lignes du texte sont le changement du nom du pays, qui passe de République de Hongrie à Hongrie, les multiples références aux racines chrétiennes de "l'histoire millénaire" du pays, l'interdiction du mariage homosexuel (le texte précise qu'un mariage ne peut avoir lieu qu'entre un homme et une femme, empêchant tout débat), ou encore la remise en cause de l'interruption volontaire de grossesse (l'embryon est considéré comme être humain à part entière dès son premier jour). Dans le cadre de l'application des différents textes et réformes, Viktor Orban a également proposé de faire appel à des policiers à la retraite pour surveiller les allocataires d'aides sociale ou de chômage, lorsque ces derniers effectueront les travaux d'intérêt général. En effet, la loi les impose dès septembre 2011 pour continuer à bénéficier des aides sociales. Certains observateurs ont dénoncé le retour des "camps de travail" (les Roms, première minorité du pays, sont particulièrement visés par ce texte). Bien évidemment, les règles électorales, ainsi que les critères de nomination des hauts-fonctionnaires, ont été modifiés en profondeur.

Cependant, ces nombreuses réformes liberticides n'ont pas eu la même répercussion sur les membres de l'Union européenne que les textes relatifs à l'économie et aux finances.Le Forint, actuelle monnaie nationale, devient constitutionnellement la devise nationale. Cela signifie de facto que l'adhésion à l'euro de la Hongrie, objectif de Budapest à l'horizon 2020, nécessitera un vote au Parlement avec une majorité des deux-tiers. Par ailleurs, la T.V.A. passe de 25 à 27%, taux le plus élevé de l'Union. Le déficit public est dans le rouge (6,2% pour une norme européenne à 3%) et la dette publique ressemble à un trou sans fond (82,6% du Produit Intérieur Brut). La Hongrie de Viktor Orban pourrait ainsi bien être le premier pays de l'Union européenne sanctionné pour ses dérapages budgétaires. Si la Commission est entendue par les États de l'Union européenne, la Hongrie pourrait alors se voir privée de plus d'un milliard d'euros d'aides européennes. Impôts spécifiques sur les secteurs bancaires, les télécoms et l'énergie où les investisseurs internationaux étaient particulièrement présents, nationalisation des fonds de pension privés... En six mois, la devise hongroise a plongé de plus de 23% face à la monnaie européenne, et les taux d'emprunt explosent. Et pour finir, la mise sous tutelle par le pouvoir de la Banque centrale hongroise (MNB) et l’inscription dans la Constitution d’un taux unique pour l’impôt sur le revenu ont entrainé une véritable défiance des investisseurs.

La Hongrie a désormais besoin de plus de 15 milliards d’euros cette année pour faire face à ses échéances. Budapest a donc été contraint de faire appel à l’aide du FMI et de l’Europe. Le bras de fer est ainsi lancé entre la nécessité européenne de ne pas voir un autre de ses membres sombrer dans une abîme économique sans fin et la volonté de voir le gouvernement hongrois faire marche arrière sur les nombreuses lois contraires aux "valeurs" de l'Union... La Hongrie vient ainsi de démontrer à tous ceux qui y croyaient encore qu'un abandon de la monnaie unique n'est simplement pas une solution et que le protectionnisme à tout prix est en réalité une condamnation sans appel de l'économie nationale.

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